Texte de Leslie Compan, critique d’art

Texte de Leslie Compan, critique d’art

Texte extrait du catalogue de l’exposition
Trois

Galerie Diagonale – Rome, mai 2010

L’œuvre de Marine Duboscq est essentielle. Vécue dans la nécessité d’un geste pictural, indéniablement, l’œuvre de Marine Duboscq est bien avant cela une œuvre de fondements ; une œuvre qui vient à l’essence même de ce qu’est la surface peinte, à ses essences : les couleurs. Simultanément travaillées, elles apparaissent comme autant d’entités libres qui ne vivent pour autant pas isolement, pas seulement pour leur qualités intrinsèques, dans l’espace pictural. Arguant du postulat contraire, les couleurs appliquées par l’artiste interagissent précisément dans leur différence, les unes par rapport aux autres, pour former une véritable totalité colorée.

Les couleurs sont considérées comme autant de signes, d’entités graphiques dont le sens propre évolue au fil des contextes qui lui sont successivement donnés : ceux, toujours renouvelés, des espaces picturaux. Là, d’abord dispersées en gouttes sur la toile, elles sont ensuite reliées de gauche à droite, au hasard du proche en proche, par le passage aussi fugitif qu’intentionnel du pinceau. Véritable instrument pictural, le pinceau de Marine Duboscq est celui d’une intelligence sensible, qui combine les divers signes colorés, ces essences autonomes, et qui accompagne la composition d’une trame générale, littéralement stratifiée par les multiples tracés. Les entrelacs, les nœuds, les étirements de peinture mate, retenue, sont poursuivis, à la fois systématiquement et sous forme de chromatismes, d’un tableau à l’autre. Décrivant ainsi, bien plutôt qu’un motif, un lexique, aussi ouvert que construit. À la fois sémiotique et intuitive, l’œuvre de Marine Duboscq est littéralement une peinture composée, entendant ici avant tout le terme d’une écriture, musicale, poétique ou picturale soit-elle ; une peinture à partir de laquelle se compose véritablement une pensée en cours et en acte.

Ce qu’il est, par avance, nécessaire de constater en tant que lecteur de cette pensée écrite et présentée à nos yeux, c’est précisément que nous ne sommes pas exclus de ce processus. Car, comme pour toute forme d’énonciation, s’il y a un allocutaire, en l’occurrence Marine Duboscq, il y a forcément un interlocuteur, c’est-à-dire nous. Pourtant si cette pensée formulée est donnée véritablement à voir, ce n’est pas pour être limitée au regard furtif et rapide. Car pour en saisir, tant l’intelligence de ses fondements que l’imprévisibilité de ses développements, il faudra surimposer, à ces espace picturaux, de multiples temps, comme autant de regards posés sur l’œuvre. Au premier temps, les signes constitutifs du lexique pictural ne forment qu’une seule entité, qu’un seul bloc coloré qui confine assurément au monochrome, tant les variations des intensités picturales sont faibles. Au fur et à mesure, les lignes de couleur apparaissent et l’on discerne les combinaisons dynamiques, évoluant dans de larges plans linéaires et horizontaux qui font véritablement écran. Plus tard encore, la profondeur de la surface peinte se dévoile, non pas dans les termes perspectifs qui regardent la peinture figurative mais dans la superposition successive des plans horizontaux désignés, jouant ainsi des profondeurs frontales multipliées.

La peinture de Marine Duboscq est une œuvre ouverte qui, à l’instar de Marthe Wéry, vient aux essences de la peinture en tant qu’acte de pensée en construction. Poursuivis non par un geste expressionniste, ostensiblement subjectif et instantané, ses fondements sont ceux d’une dialectique pure. C’est-à-dire d’une mise en dialogue qui relie l’œuvre au regardeur ; qui relie l’œuvre aux recherches picturales des historiques prédécesseurs, comme Frank Stella ou encore Barnett Newman, sur lesquels elle prend souche.

Leslie Compan.

Texte de Philippe Cyroulnik, critique d’art

Texte de Philippe Cyroulnik, critique d’art


Texte extrait du catalogue de l’exposition
Les Rendez-vous du quai

Juin 2007

Marine Duboscq prend un malin plaisir à abstraire l’image de sa dimension mimétique, tout en jouant sur les potentialités du pictural à figurer ce qui pourrait être les limbes d’un univers.

Assumant l’artefact de la couleur (qui ici n’a aucune fonction mimétique), elle laisse affleurer dans les plis et les replis des linéaments serrés de la couleur, l’ouverture à ce moment où le plan du tableau rejoint ce qui pourrait être l’étendue d’un paysage. De même ses formes flottantes dans l’espace coloré de sa peinture sont à la limite de figurer des lâchers de couleurs comme on lâche des ballons dans le ciel.

Mais le ciel, là, n’est plus qu’un tissu de couleurs. Un jour de fête qui serait plutôt une journée de peinture. Ses peintures campent sur la crête qui sépare l’abstraction et la figuration. Son territoire est celui dans lequel la peinture est un champ d’expériences où le jeu combiné du trait et de la couleur peut proposer des ouvertures plurielles.

Philippe Cyroulnik